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Saïd CHATAR « Les défis de l’espace maghrébo-sahélien » Troisième partie

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Je vais me permettre de partager, dans la suite de ces lignes, la troisième partie de mon article intitulé ‘’les défis de l’espace maghrébo-sahélien’’ que j’avais déjà écrit il y a quelques années.

Vu les intérêts géostratégique et géopolitique que le Maghreb représente pour les pays du pourtour du bassin méditerranéen, l’U.E, l’U.A, le Moyen-Orient, se doivent de porter une attention toute particulière au conflit algéro-marocain afin de pousser l’Algérie et le Maroc à entamer ensemble le processus d’autonomie. Car seule l’autonomie pourra engendrer une nouvelle dynamique en matière de coexistence, de prospérité, de sécurité et d’intégration régionales pour tous les peuples de la région maghrébo-sahélo-saharienne riche en matières premières stratégiques, mais soumise aux fortes pressions des défis que j’ai évoqués précédemment.

 

Et à ce propos, il faut avouer franchement qu’en matière d’autonomie, l’Etat marocain n’apporte pas assez de remèdes adéquats et appropriés sur le plan diplomatique à l’échelon international ni au niveau natioal sur le plan socio-économique, politique et culturel pour la sauvegarde de l’unité territoriale du Maroc ; alors même que sur la région du sud récupérée l’on attend l’élan de la Raison et du Cœur, avec moins d’égoïsme et de mercantilisme, mais plutôt avec plus de sacrifices, de panafricanisme et de patriotisme qui puissent mettre à l’abri, non seulement le Maroc, mais aussi toute la région maghrébo-sahélo-saharienne du dépeçage et du chaos…

 

La sauvegarde de l’intégrité territoriale du Maroc qui exige énormément des Marocaines et des Marocains, dépend inéluctablement de la promotion socio-économique et culturelle de ceux-ci, et par voie de conséquence, du développement et de l’essor économique du Maroc. De l’Homme personnel il faut passer à l’homme communautaire, de l’aspect individuel à l’aspect communautaire et social, des conditions de l’homme dans son milieu à la dynamique sociologique de celui-ci. D’où un rapprochement peut être inattendu entre des thèmes habituellement séparés : intégrité territoriale, intégration sociale qui consiste en la dynamique de développement humain et la promotion sociale de l’homme au Maroc.

 

Toutefois, au plan externe, l’orientation officiellement choisie par le pouvoir pour sauvegarder l’intégrité territoriale du Maroc correspond-elle aux réalités nationales et internationales d’aujourd’hui ? En clair, au plan interne comme au plan externe, l’autonomie répond-elle aux attentes et aux aspirations du peuple marocain et des peuples de l’espace maghrébo-sahélien et du pourtour méditerranéen ?

 

Au plan externe

 

Le projet de l’autonomie propose-t-il une valeur ajoutée politique meilleure que celle de l’autodétermination ? Cette préconisation marocaine correspond du moins, à priori, à un processus en phase avec le monde actuel où la dynamique régionale se développe de plus en plus à travers le monde aux dépens des Etats-Nations et des Etats-territoires. C’est une option qui s’inscrit au premier abord, dans le sens de l’histoire des peuples de l’espace maghrébo-sahélien. Aussi est-il essentiel pour la diplomatie marocaine d’expliquer davantage la vision réaliste de cette thèse d’autonomie qui va au-delà des lignes de démarcation des frontières léguées par le colonialisme. Cette thèse d’autonomie qui réussit pour le moment en Ethiopie avec la région Afar permettra-t-elle aussi aux pays de l’espace maghrébo-sahélo-saharien d’éviter la fragmentation, la dispersion, et de ne pas rester coincer dans la souricière du chauvinisme que la thèse de l’autodétermination voudrait renforcer et perpétuer au bénéfice des forces aventurières et hégémonistes…

 

Au plan interne

 

L’autonomie pourrait susciter quelques appréhensions. D’aucuns vont effectivement jusqu’à redouter de voir opposer les choix politiques et socio-économiques faits par le pouvoir marocain aux besoins réels et ressentis de l’Homme de la région du sud auquel on propose l’autonomie. La meilleure manière de faire adhérer l’homme de la région du sud au projet de l’autonomie est de ressusciter le duel qui consiste en la primauté de l’équilibre entre la dynamique de développement et  l’intégration socio-économique de l’homme au nord comme au sud. C’est pour cela que le Maroc doit avoir à l’esprit que c’est l’homme qu’il doit toujours mettre au centre du débat. En effet, l’homme dans un environnement régional en mouvements perpétuels serait le premier bénéficiaire de l’autonomie. L’homme en tout cas, pour qui, le but de l’intégration territoriale doit être harmonisé avec la dynamique de développement socio-économique et la promotion humaine.

 

Or, à ce niveau, il faut bien avouer que l’action socio-économique, telle qu’elle est conçue dans les régions du sud comme d’ailleurs dans le reste du royaume apparait comme plaquée du dehors, parfois même comme une sorte de camouflage des maux profonds dont souffrent les sociétés du nord et du sud du Maroc où, en dépit de l’essor économique que celui-ci connait, l’action de base n’a pas été menée à bien pour améliorer le niveau de vie socio-économique et culturel de l’Homme. Certaines réalisations économiques et sociales ne pouvaient pas apparaitre autrement que comme un luxe prématuré et souvent inutile.

  

L’économie des régions du sud récupérées, comme celles du nord, subit une exploitation intensive qui en a  ruiné les sources. Nous avons là le type de développement qui se fait d’une manière quelque peu cohérente et, en tout cas, sans aucune homogénéité. Autrement dit, le développement se fait au profit de quelques féodalités locales, ainsi que des privilégiés cooptés par le Makhzen (richesses halieutiques, chantiers d’exploitation de sable, immobilier, agriculture, etc.). Ce modèle de développement illustre assez bien les inégalités qui accablent les populations du royaume. Il élimine ou plutôt exclut des facteurs importants, notamment ceux qui relèvent du développement humain et de l’action socio-économique permettant à l’homme de participer activement au processus de la création des richesses. Ainsi, il faut une croissance inclusive et non pas exclusive comme c’est souvent le cas pour le moment au Maroc.

 

Aujourd’hui, la grande majorité du peuple marocain assiste sans participer au processus de la croissance économique que connait le Maroc à travers ses régions, plus particulièrement celles du sud. Les effets sociaux sont impressionnants ; le taux de chômage qui touche de plus en plus de jeunes diplômés(es) continue son ascension. Mais les couches sociales qui en sont victimes sont bien différentes des pauvres de la période coloniale. Urbaines plutôt que rurales, la jeunesse de leurs membres est remarquable tandis que le sentiment de révolte qui les anime tranche avec l’ancienne culture de soumission et de fatalisme qui était le fait des ‘’anciens pauvres’’. Face à tout cela, la question qu’il convient de poser est la suivante : Le Maroc peut-il sauvegarder son intégrité territoriale en excluant une grande partie de la population composée de jeunes diplômés dynamiques, souvent bien informés et ambitieux, du processus de développement des régions du sud et du nord pays (600 ingénieurs marocains quittent chaque année le Maroc, sans compter les autres diplômés)…

 

A suivre…

 

Saïd CHATAR

 

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