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J’AI ÉTÉ VIOLÉE « par Aurora Mary Colombo »

Publié le

J’AI ÉTÉ VIOLÉE 

Par Aurora Mary COLOMBO, Journaliste Indépendante et Rédactrice en Chef pour BXL Media – AlmouwatinTV

J’ai été violée.

Oui, vous avez bien lu, j’ai été violée.

Moi, la femme-soldat, l’amazone, le bulldozer, la combattive, voire l’invincible si j’en écoute le jugement de ces proches amis.

Oui, moi aussi, je fais maintenant partie de ces femmes là, celles qui ont connu le viol.

Cet acte abject.

Cet acte de destruction intime. Ce tsunami intérieur et irréparable. Ces angoisses lancinantes qui, malgré les jours, ne s’amenuisent point.

Je ne savais pas comment vous le dire. Comment vous l’annoncer.
Comment partager avec vous le désarroi intérieur qui m’accompagne en ce moment même.

J’aurai bien tenté mille fois en ces derniers jours. J’ai écris de nombreux brouillons, sous forme d’appels à l’aide, jamais envoyés. J’ai bien tenté de m’immiscer plusieurs fois dans des conversations publiques à ce sujet pour pouvoir crier que moi aussi, femme d’apparence intouchable, j’avais été la proie d’un prédateur.

Moi aussi. J’ai été…

Je me sens sale, je me sens seule. Et ce, malgré la compagnie des quelques amis qui m’entourent physiquement.

De ceux qui, régulièrement, prennent de mes nouvelles.

Et puis surtout, de ceux qui m’ont généreusement recueillie. Malgré ce sentiment persistant d’être de trop, de constituer un poids non négligeable, malgré l’urgence.

Je suis en lieu sûr. Je ne peux pas rentrer chez moi.

Pas maintenant, pas tout de suite.

C’est le sort de tant de femmes, celles qui peut-être (re)connaissent leur agresseur et qui, pour longtemps encore, vivront dans la peur de croiser son regard.

De l’agression proprement dit, j’ai bien peu de souvenirs, si ce n’est ce sentiment persistant de me sentir en danger, où que je sois.
Et avec qui que ce soit.

Par contre, je me souviens, au détail près, de la prise en charge.

De l’incapacité de la police de pouvoir reconnaître une victime de viol parmi tant d’autres victimes.

De l’incongruité du discours du monde médical, de son organisation et de ses actions effectives envers les femmes violées.

Du fait que l’on te saisis tes effets personnels. Tes vêtements, tous tes vêtements. Et même ta voiture.

Et que tu restes là, sans rien, sans même avoir de quoi te couvrir durant les nombreux interrogatoires.

Deux jours entiers, je suis restée seule et nue, dans cette chambre d’hôpital.

La chambre rose, celle qui est dédiée au victimes de violences sexuelles sur le territoire italien.

Deux indescriptibles jours, avant que quelqu’un de l’équipe médicale ne trouve utile de prévenir un proche, un ami pour pouvoir m’apporter quelque réconfort au travers d’un sourire et surtout de quoi retrouver une certaine décence, de pouvoir seulement, me couvrir.

Deux jours sans accès au téléphone, ni à internet, n’ayant pas à disposition mon téléphone personnel.

Deux jours où, chaque minute, je me suis rappelée d’être bien seule.

Alors pourquoi vous écrire, ici et maintenant.

Parce que vous savez, je ne recherche pas votre pitié, je n’en ai pas besoin.

Je ne cherche pas non plus votre présence. Je sais déjà que je ne me sentirai bien qu’en présence de seules quelques personne isolées. De confiance. Pour ne pas briser le secret de mon confinement et potentiellement de me mettre en danger.

Je vous écris aujourd’hui, publiquement, revêtant mon tablier de journaliste car, je souhaite avant tout dénoncer, fermement, la prise en charge et le suivi des victimes de violences sexuelles.

Ces victimes dont le récit est, trop souvent mis en doute.

Dont la réalité de l’aggression pourrait bien passer au second plan, voire inaperçue, surtout si la victime à été droguée à son insu.

Dont les blessures seront analysées à la loupe et photographiées dans le moindre détail, debout, nue sur un drap blanc. Sans tact, ni pudeur. En présence d’opérateurs sanitaires qui procèdent méthodiquement, sans la moindre humanité. Sans même un regard pour la victime.

Dont les prélèvements dureront pendant des heures. Dans la solitude et dans la souffrance. Seule, face à un personnel médical d’ordinaire non préparé.

Des antirétroviraux et de la pilule du lendemain, administrés à la légère de la procédure. Sans même prendre le temps de jeter un œil au cadre médical, aux antécédents, vu qu’à aucun moment, elle ne sera considérée comme un patient.

Dont la fatigue et l’angoisse l’emporteront bien vite, sur la volonté de se battre, de lutter, de se relever.

Dont les appels à l’aide répétés manqueront d’arriver jusqu’au psychiatre de service, lui seul pouvant prendre la décision d’administrer un tranquillisant. Juste une trêve de quelques heures pour pouvoir dormir, en plein cauchemar.

Dont les services sociaux, assurément absents, n’apporteront ni aide, ni même le stricte nécessaire logistique pour pouvoir seulement, prétendre à retrouver un peu de dignité.

Des sourires absents et de rares mains qui se posent sur son épaule, durant cet isolement.

Dont la démission de l’hôpital se fera très rapidement, car le motif économique l’emportera évidemment sur le cadre social.

Dont la vie intime et l’inconscient seront, à jamais, tachés de sang et de sperme.

Du souvenir de ces bas troués, déchirés. De ces ongles qu’on lui coupe trop courts, aux ciseaux, en guise de preuve matérielle.

Pour toutes ces femmes là, je me dois de vous écrire et de vous dire que, moi aussi j’ai été violée.

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